"Prends ta passion au sérieux, pas toi-même !"

• Comment tout a commencé
• ISPO et percée en Europe
• Ce qui distingue Kari Traa en tant que marque
• Les défis actuels et la concurrence des marques féminines
• Un avenir plus créatif

Pendant ma scolarité, j'ai toujours été la fille sportive qui n'était pas forcément bonne à l'école. En revanche, j'ai toujours aimé faire autre chose et j'ai aussi mis mon énergie dans différents projets créatifs. Plus tard, lorsque j'ai demandé à ma mère comment j'étais quand j'étais petite, elle m'a répondu : "Tu étais ton propre patron". Je faisais ce que je voulais, et j'ai l'impression que c'est toujours le cas.

En tant que membre de l'équipe norvégienne de ski de bosses, j'ai toujours été, d'une certaine manière, plus coriace que les autres filles. Je n'avais pas peur de tomber, j'ai toujours tout essayé et je me suis toujours dit que je n'allais pas en mourir. Alors je me suis lancée, mais j'ai aussi beaucoup chuté. J'étais probablement celle de l'équipe qui avait le plus de crashs à son actif.

Après avoir remporté l'or aux Jeux olympiques de 2002, j'ai constaté que mes amis avaient terminé leurs études, qu'une partie d'entre eux avaient déjà une famille et que je me demandais si je ne devais pas moi aussi me comporter de manière plus adulte et plus adaptée à mon âge. Mais je n'avais pas encore fini de skier. Mon sponsor de l'époque, Bula, m'a demandé si je ne voulais pas concevoir une collection de casquettes qu'ils distribueraient. J'ai donc pu continuer à skier pendant quatre ans et à travailler comme designer amateur. Au bout d'un moment, la transition entre le sport et le business à 100% s'est faite de manière assez fluide.

En 2006, nous avons participé pour la première fois à l'ISPO Munich. Ce fut le coup d'envoi d'une plus grande notoriété de la marque en Europe, même au-delà de la Norvège. Alors qu'au début, nous fabriquions surtout des bonnets, nous avons introduit les baselayers en 2005. Nous voulions être les meilleurs dans le domaine des baselayers, mais en abordant le sujet de manière ludique et avec humour. Et avec beaucoup de couleurs. Pour la marque Kari Traa, cela et le facteur que nous étions une marque exclusivement féminine ont été décisifs. Nous sommes toujours connus pour nos baselayers, notamment le Rose Baselayer, qui s'inspire du motif traditionnel d'une tapisserie norvégienne. Celle-ci est toujours suspendue au-dessus du canapé dans la ferme de mes parents à Voss. Depuis, nous n'avons cessé d'évoluer en tant que marque et je pensais qu'un jour nous aurions un produit qui remplacerait le Rose Baselayer, mais il reste un succès permanent. Il a toujours été clair que nous restions une marque exclusivement féminine, même si on nous a toujours demandé quand nous allions faire quelque chose pour les hommes.

Entre-temps, nous avons une collection qui se compose de différentes couches et qui est axée sur différents sports. Nous venons certes des sports d'hiver, mais nous faisons aussi des vêtements pour d'autres sports de plein air comme la randonnée ou le trail running.

Le fait qu'il soit actuellement tendance de s'habiller de manière sportive joue bien sûr un peu en notre faveur. Il y a de plus en plus de marques pour les femmes, mais la plupart d'entre elles se concentrent sur le yoga ou des activités similaires. En principe, je ne dirais pas qu'il y a besoin de plus de marques féminines, car de nombreuses marques unisexes proposent également des produits spécifiques pour les femmes. Néanmoins, je ne peux qu'encourager les femmes à faire leur propre chose et à commencer à concevoir des produits de leur point de vue. Je dis simplement : bienvenue sur le marché ! Car même si nous existons depuis plus de 20 ans en tant que marque, la concurrence fait toujours en sorte que l'on s'améliore et que l'on se pousse davantage.

J'ai toujours été différent, et c'est aussi ce qui fait de Kari Traa une marque. Aujourd'hui, l'industrie du sport est un peu plus colorée et, en Norvège du moins, nous y avons contribué. Avec le temps, je pense que nous avons un peu perdu de vue ce qui nous distingue et nous rend différents des autres marques. Mais entre-temps, nous nous sommes retrouvés, nous savons qu'en tant que marque, nous devons être authentiques et nous-mêmes. Nous sommes donc revenus à notre caractéristique unique - également en ce qui concerne nos couleurs et nos motifs. Nous essayons de repousser nos propres limites et de ne pas trop penser aux autres.

Nous ne faisons rien de différent ou ne prêtons attention à rien en particulier pour plaire aux femmes, car notre équipe est aussi composée de femmes, pour nous c'est tout simplement normal. Nous voulons simplement fabriquer de superbes produits pour aider d'autres femmes à être plus heureuses, en meilleure santé et plus fortes, et nous en faisons la promotion via les médias sociaux et nos canaux de marque. La devise est la suivante : prenez vos passions au sérieux, mais ne vous prenez pas trop au sérieux. Notre campagne actuelle, par exemple, s'intitule "Uff da", ce qui signifie en norvégien "Hop là, mais ça va aller".

Lorsque l'on est une petite marque ou que l'on débute, beaucoup de choses sont nettement plus difficiles. Cela commence par la durabilité et se termine par la production de styles dans plus de tailles. Si tu débutes et que tu n'as pas beaucoup d'argent, il est difficile de produire des tailles XS, S, M, L, XL et XXL, car dans le secteur du sport, ce sont surtout les tailles S, M et L qui se vendent. D'année en année, nous avons eu la chance de pouvoir proposer des styles dans davantage de tailles et d'équiper davantage de femmes pour leurs aventures en plein air.

En matière de durabilité, il est également difficile pour une petite marque de pouvoir se permettre d'acheter des matériaux durables en petites quantités ou de faire bouger les choses en matière de recyclage. Dans ce domaine, nous devons devenir plus partenaires et nous unir davantage.

Actuellement, j'ai parfois l'impression qu'il n'est question que d'argent et de pouvoir. La situation mondiale, avec ses guerres et ses conflits, affecte tout le monde et les gens dépensent de moins en moins d'argent. Je pense toutefois qu'il peut être bénéfique pour nous tous de tirer les leçons des crises, d'imposer moins de contraintes à l'environnement en planifiant mieux et de ne pas se contenter de produire et de mettre toujours plus sur le marché.

L'équipe Kari Traa est bien sûr beaucoup plus grande qu'à nos débuts. C'est beaucoup plus professionnel. Nous sommes 22 femmes dans l'équipe, la plupart à Oslo. Bien qu'avant, j'ai toujours trouvé qu'il était plus facile de travailler avec des hommes : Les filles de l'équipe sont très disciplinées et il n'y a pas non plus d'intrigues. De plus, nous partageons le même bureau que les autres marques actives et nous faisons beaucoup de choses ensemble, toutes marques confondues.

Entre-temps, je ne suis plus au bureau tous les jours, je peux choisir ce que je veux. Mais l'équipe m'implique toujours, que ce soit pour des séances photos ou d'autres projets. Je ne pourrais toutefois pas me retirer complètement, me reposer et observer uniquement ce que fait l'équipe - même si je partage désormais mon temps entre différents projets et travaille par exemple dans un lieu événementiel sur le site d'une ancienne laiterie à Voss.

En fait, je préfère désormais être en arrière-plan et donner de nouvelles idées d'images et de design. Par exemple, dans les prochains jours, nous voulons reproduire à Voss le motif norvégien de notre Rose Baselayer avec 100 femmes et jeunes filles. Ou encore, j'ai cousu des gants à partir d'une vieille tapisserie et d'une veste en cuir d'occasion, que nous voulons faire gagner sur les réseaux sociaux. Je suis donc plutôt responsable de l'inspiration et des idées de demain, et j'ai une chance folle. L'équipe veut toujours que je participe. Je suis très fière de l'équipe et de la manière dont elle fait avancer et évoluer la marque en permanence. Parfois, je pense qu'ils travaillent trop dur et je leur rappelle d'arrêter et de faire une pause. J'ai déjà réfléchi à la question de savoir s'il aurait été préférable que la marque ne porte pas mon nom. Après tout, au début, ce n'était qu'un projet de quelques années, je ne savais pas si la marque allait survivre. Mais un ou deux ans se sont transformés en plus de 20 ans. J'ai eu 50 ans en janvier, mais je suppose que quand on est heureux, le temps passe vite.